Violences conjugales : 30 femmes tuées depuis le 1er janvier
- julieradatti
- 11 mars 2019
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 avr. 2019
C’est une jolie maison sur deux étages, aux pièces lumineuses, et bordée d’arbres et de fleurs. Au 8 rue Deguiraud, à Toulon, l’association AFL (association familiale laïque) transition a installé un accueil de jour pour les femmes victimes de violences conjugales. Elles débarquent ici souvent en état de choc, désorientées, parfois un enfant sous le bras. L'équipe composée de psychologues et d'assistantes sociales, est chargée de les orienter et de les aider. Nathalie Rocailleux, psychologue clinicienne, est directrice du site. Rencontre.

Depuis 2013, AFL Transition a mis en place cet accueil de jour, qui a emménagé récemment dans cette maison. L'association compte 10 salariés, répartis sur les différents sites. Quels sont les principaux objectifs du centre installé à Toulon ?
Nous recevons soit des femmes qui se questionnent sur leur situation personnelle soit celles qui ont vécu des violences conjugales et qui ont quitté leur domicile. Notre priorité est donc de les mettre à l'abri immédiatement, en trouvant un logement social. Mais notre prise en charge est globale. Les équipes posent un diagnostic social et psychologique. Ensuite, nous accompagnons ces femmes pour déposer plainte au commissariat, pour être soignées aussi, ce qui malheureusement arrive souvent. Nous prenons aussi en charge leurs enfants. Dans cette maison, une salle de bain est à leur disposition ainsi qu'une grande cuisine où elles peuvent se restaurer. Avec également une lingerie, un endroit pour mettre à l'abri leurs documents administratifs...

L'an dernier, combien de femmes ont-elle été aidées ?
A Toulon, en 2018, nous avons reçu plus de 250 femmes avec leurs enfants. Il n'y pas de profil type. Ces violences touchent n'importe qui. La plupart du temps, les premiers coups tombent lors d'une grossesse, lorsque l'agresseur se sent en danger parce qu'il n'est plus seul dans la vie de sa victime.
Toutes ces femmes ont un point commun : quand elles arrivent ici, elles affirment: « je ne pensais que ça m'arriverait un jour ».
Quitter le domicile conjugal est un premier obstacle franchi, mais ces femmes doivent affronter un parcours long et compliqué. Quelle est la priorité selon vous ?
Un exemple concret : lorsque ces victimes quittent le domicile conjugal, elles sont hébergées en hôtel d'urgence géré par le SIAO 115 du Var (le Samu social). Sauf que ces dispositifs ne sont pas adaptés pour elles, surtout si elles ont des enfants en bas âge ! Elles n'ont pas de panier repas, pas de lieu où déposer les quelques affaires qu'elles ont emportées. Dans le pire des cas, elles sont contraintes de retourner chez elles au bout de trois jours. La loi prévoit pourtant l'expulsion du conjoint violent hors du domicile du couple. Mais dans les faits, cette mesure n'est pas toujours appliquée. Ce que nous réclamons, à l'AFL transition, c'est une égalité de l'accès au droit pour toutes ces femmes : celui primordial d'être protégée. Nous posons la question "quelle société voulons-nous?"
Depuis le 1er janvier 2019, trente femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex conjoint en France. Certaines avaient demandé de l'aide et pourtant elles n'ont pas été sauvées. Il y a donc clairement des failles dans le système.
Vous précisez bien que cet accueil de jour est aussi destiné aux enfants de ces femmes. Sont-ils eux aussi considérés comme victimes des violences conjugales ?
Oui ils le sont par ricochet. C'est durant l'enfance que la construction psychique d'un individu se développe. Or, si durant cette période, l'enfant voit sa propre mère violentée, dénigrée, violée et considérée comme un objet, il va intégrer ce schéma. Cela aura des conséquences dramatiques. Un enfant qui grandit dans ce cadre a quatre fois plus de risques d'être auteur ou victime de violences une fois adulte. Et il a aussi dix fois plus de risques d'avoir des comportements à risques à l’adolescence : déscolarisation, toxicomanie, alcoolisme, tendances suicidaires… Plusieurs études l'ont démontré depuis très longtemps ! Maintenant, il s'agit d'enrayer ce phénomène rapidement. Ce qui se joue actuellement, c'est l'avenir des générations futures.

Commenti